LES MARDIS DE LA MER
L’institut Catholique de Paris accueille les « Mardis de la Mer », une série de conférences qui rassemblent des personnalités du monde maritime et des étudiants de l’Institut.
J’ai eu le plaisir d’animer une conférence sur le thème « Les élus faces aux défis maritimes ».
A mes côtés, Christian Buchet, Directeur du Centre d’Études de la mer et Olivier Laurens qui représentait Eudes Riblier, Président de l’Institut Français de la Mer.
J’ai pu longuement exposer mes engagements depuis près de 5 ans au service de l’ambition maritime de la France et de la communauté des gens de mer.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de mon intervention : ⬇️
Je souhaite, en tout premier, remercier le professeur Emmanuel Petit, Recteur de l’Institut Catholique de Paris qui nous permet, ce soir une nouvelle fois, d’ouvrir nos esprits sur la mer.
Merci à Eudes Riblier, Président de l’Institut Français de la Mer qui est un formidable ambassadeur de la France maritime. Je sais qu’en ce moment il rejoint Brest pour participer au One Ocean Summit. Il me précède de quelques heures. J’aurais le plaisir de le retrouver dès demain.
Bien sûr mes remerciements chaleureux vont à Christian Buchet, directeur du Centre d’Études de la Mer, qui depuis longue date dans le cadre des Mardis de la Mer et par de belles initiatives livresques met en valeur l’ensemble des sujets qui de près ou au large concernent la mer. Je veux vous faire un aveu, cher Christian Buchet, votre ouvrage « La grande histoire vue de la mer », fait partie de mes livres de bord. J’ai cru comprendre qu’une réédition est en cours. Je suis convaincue de son succès. En effet, je suis admirative de vos connaissances. Et j’affectionne tout particulièrement votre approche pédagogique guidée par votre volonté de transmettre votre savoir.
Depuis près de cinq ans, remplissant ma mission de parlementaire au service de mon pays, je me suis également attachée à créer ce lien indispensable avec nos concitoyens, qui passe par la transparence de mes actions. Je suis convaincue que le navire France avance grâce à ce lien et avancera d’autant mieux que ce lien de confiance sera fort.
Ce soir, j’ai choisi de vous parler du développement durable de la mer en illustrant le thème « Les élus face aux défis maritimes ». Je pense qu’il est de la responsabilité des élus, partagée avec l’ensemble de la communauté des gens de mers, de mettre la France face à son destin maritime.
« Il n’y a pas de vent favorable pour ceux qui ne savent pas où aller »
Cette pensée de Sénèque est, depuis 2 millénaires, toujours vivante, ancrée, dans la tête de tous les Mériens. Ce soir grâce à votre aide, nous allons essayer de démontrer que parler de la mer est d’abord une histoire de cœur et d’esprit. Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que le développement, à terre ou en mer, pour être durable, doit s’appuyer équitablement sur 3 piliers :
- l’économie,
- l’écologie,
- et le social.
L’objectif est, si nous tentons de le résumer, de répondre aux besoins de nos générations actuelles, exigeantes, sans compromettre ceux des générations futures qui le seront tout autant. J’ai choisi de séquencer mon propos en trois parties :
- Admettre qu’être la deuxième ZZE ne fait pas de la France une grande puissance maritime;
- Comprendre que réussir le défi d’une économie bleue compétitive et décarbonée n’est pas une variable d’ajustement;
- et se souvenir que quoi qu’il advienne le marin doit être placé au cœur des projets maritimes.
En conclusion, je souhaite vous parler des enjeux de la conservation et de l’utilisation durable de l’océan. Je me permettrai aussi de faire la promotion d’un évènement national que vous ne connaissez peut-être pas encore, la Fête de la Mer et des Littoraux.
Je pense qu’il est nécessaire que je vous dise quel a été mon parcours et mes investissements, ces dernières années, au service de l’économie de la mer. Je souhaite porter à votre connaissance le rôle que j’ai pu jouer dans l’hémicycle et sur nos territoires. Souvent seule, mais rarement découragée au sein d’une assemblée de terriens où l’air du large a du mal à rentrer dans les coursives. Face à vous, ce soir, je n’ai pas d’autre ambition que d’illustrer le plus simplement et le plus concrètement possible mes initiatives.
La mer nous apprend l’humilité.
La mer nous apprend aussi que les échecs sont des expériences réussies.
Autant vous avouer de suite, vous l’entendrez, que les résultats sont modestes au regard de l’ampleur du chantier. Dès le début de mon mandat, j’ai fait le constat que la France est une enfant trop gâtée par sa mer et ses littoraux. Avec une ZEE immense, grâce, ne l’oublions pas, aux Outre-mer, et des milliers de kilomètres de côtes, notre pays dispose d’atouts naturels et géostratégiques majeurs. Aussi, nul ne pourrait nous reprocher de prendre la place de grande puissance maritime mondiale.
Or, nous en sommes encore loin. Sommes-nous en capacité de relever ce défi ?
Avons-nous les moyens de nos ambitions ?
Ce sont ces 2 questions que j’ai eu très vite à l’esprit et que je continue encore, aujourd’hui, à me poser.
En évaluant la loi sur l’économie bleue, j’ai pris conscience de la distance qui séparait la volonté de compétitivité des acteurs du maritime de l’effectivité du soutien des politiques publiques aux filières. Pas moins de 36 propositions concluaient le rapport que m’avait confié la Commission au Développement durable et de l’Aménagement du territoire. Cette commission était à époque présidée par Barbara Pompili, aujourd’hui, Ministre de la Transition Écologique. J’ai pu au fil de l’eau, faire bouger à la marge les lignes. J’ai compris que nombre de sujets se traitaient à un niveau interministériel. C’est pourquoi, je suis consciente qu’il reste encore beaucoup à faire pour soutenir la croissance bleue. Il reste encore beaucoup à faire pour alléger les contraintes administratives. Il reste encore beaucoup à faire pour flécher les aides et toucher les bonnes cibles. Je suis convaincue que la prochaine législature devra offrir un tome II à la loi pour l’économie bleue. Les politiques publiques maritimes ont un défaut majeur, elles manquent de visibilité. Certes, selon l’article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005, le Gouvernement présente, sous forme d’annexes générales au projet de loi de finances de l’année, des documents de politique transversale relatifs à des politiques publiques interministérielles dont la finalité concerne des programmes n’appartenant pas à une même mission. Ces documents, pour chaque politique concernée, développent la stratégie mise en œuvre, les crédits, les objectifs et les indicateurs y concourant. Ils comportent également une présentation détaillée de l’effort financier consacré par l’État à ces politiques, ainsi que des dispositifs mis en place, pour l’année à venir, l’année en cours et l’année précédente. Ces Documents de Politique Générale sont des outils de pilotage visant à améliorer la coordination et l’efficacité de l’action publique. Ils portent sur des politiques publiques interministérielles, financées à un niveau significatif par l’État. Tout ça pour vous dire que le Document de Politique Générale de la politique maritime de la France fait partie des 19 DPT annexés au Projet de loi de finances depuis 2017. Ce document n’a malheureusement que très peu de visibilité auprès des parlementaires et ne donne pas lieu à présentation. Pire, il ne permet pas de débat. Aussi, ces données pourraient être déclinées en un rapport d’information et de présentation de la politique maritime de la France. Une vision coordonnée de la politique de la mer et de la stratégie publique en la matière permettrait de rendre compte objectivement de l’ambition maritime du gouvernement. Ce rapport pourrait également inclure les délibérations du CIMer en charge de la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous ses divers aspects nationaux et internationaux et de fixer les orientations gouvernementales dans tous les domaines de l’activité maritime. Le SGMer qui assure la préparation et veille à l’exécution des décisions du CIMer serait chargé de la préparation de ce rapport. Cette proposition de loi comportait un article unique : “Le gouvernement remet annuellement au Parlement, à l’issue de la réunion du Conseil Interministériel de la Mer (CIMER), un rapport présentant l’évolution, sur l’année passée, des actions publiques dans le domaine maritime, celles en cours et celles envisagées pour l’année à venir. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat devant le parlement”. Tel était l’objet précis de la proposition de loi que j’ai présentée et qui n’a pas été retenue. La proposition de loi n’a pas été validée. J’ai l’habitude de dire, pour me réconforter, que ce n’est que partie remise. A l’issu du rapport parlementaire d’évaluation de la loi pour l’économie bleue, dans un esprit d’équipage, j’ai créé la Team Maritime à l’Assemblée nationale.
La Team maritime c’est un groupe de députés engagés pour l’économie de la mer. Nous sommes une vingtaine de députés, du groupe majoritaire, toutes et tous ayant en commun d’avoir notre attache sur une circonscription littorale et, ou, sur l’un des 7 grands ports maritimes français. Nous appartenons aux différents commissions de l’Assemblée nationale. A l’origine nous étions répartis en plusieurs petits groupes :
- Les ports, leur transformation et leur modèle économique
- La transition écologique et numérique dans les transports et les ports
- Les pêches et l’aquaculture
- La recherche océanographique et l’innovation maritime
- L’attractivité des métiers de la mer
- et la filière nautique française
Je me souviens, alors qu’il était Premier ministre, avoir présenté à Edouard Philippe ces groupes en les qualifiant de commandos marines. Il a manifesté un peu d’inquiétude sur la forme tout en appréciant le fond. En 2019, les premiers travaux législatifs de la Team Maritime ont porté sur deux chantiers : le « paquet maritime » dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités et « les aspects fiscaux maritimes » dans le cadre du Projet de loi de finances. Ce groupe de travail, a accompagné des projets allant dans le sens d’une valorisation de l’innovation, de la compétitivité et de la souveraineté de notre modèle maritime. Notre souhait a été la promotion de l’économie de la Mer et de ses acteurs. Elle s’est illustrée par les « Mercredis de la Team » lieu de rencontres et d’échanges avec les acteurs publics et privés de la mer. Elle s’est également illustrée par un « Tour de France du maritime » afin de sortir de l’enceinte de l’Assemblée nationale et aller au contact des Mériens sur nos territoires. Elle a, nul ne le conteste, un réel poids sur les négociations et arbitrages avec les ministères. Celui des comptes publics a pu apparaitre comme le plus étanche au soutien du secteur maritime. Là aussi, en résumé, je dirais qu’il revient à la Team maritime, un rôle de vigie et parfois même d’assurer une mission de sauvetage. Pour l’avoir constaté lors du premier confinement dû à la pandémie, les gens de mer, toutes filières confondues, ont beaucoup appris de cette période inédite. Face à leur désarroi, j’ai engagé durant plusieurs mois une grande consultation nationale. Elle a abouti à un rapport intitulé « Happy Blue Days », rapport que j’ai remis au Président de la République, au Premier Ministre et à la Ministre de la Mer. Il a été le marqueur d’un changement dans l’appréhension de la croissance bleue. Ce document fait toujours date et référence dans la communauté maritime de l’après COVID. Il a inspiré les mesures du Fontenoy du maritime. Mesures présentées par Annick Girardin, Ministre de la Mer, lors des Assises de l’Economie de la Mer à Nice en septembre 2021. La présence du Président de la République, à cette occasion, a une nouvelle fois affirmé sa détermination et ses espoirs dans la mobilisation des filières maritimes. Sa formule « le XXIème siècle sera maritime », que vous connaissez bien cher Christian, reste toujours présente dans les esprits.
Pour compléter le rapport « Happy Blue Days «, j’ai souhaité à nouveau rassembler largement les gens de mer, lors d’un Colloque national sur l’emploi maritime, le 8 octobre 2020. Les conclusions de ce colloque ont permis d’enrichir les propositions sociales de la France dans le cadre de sa présidence de l’Union européenne. Je pense que le but a été atteint. Aujourd’hui, des propositions sont reprises cette semaine à la Rochelle par notre Ministre de la Mer. J’ai apprécié la participation active des syndicats aux différents ateliers. Elle a été particulièrement constructive. Leur demande principale qui porte sur l’harmonisation des politiques sociales et l’arrêt du dumping sociale au sein des pays membres de l’Union européenne est légitime. J’ai eu l’occasion d’en faire part au Président de la République qui préside, comme vous le savez, depuis le 1er janvier et pour 6 mois l’Union Européenne. Mes actions en tant que « Députée de la mer » m’ont valu l’élection à la présidence du Bureau du Conseil National de la Mer et des Littoraux.
Cette nouvelle mission m’honore. Elle m’a été confiée par le Premier ministre, aux côtés des 52 membres du CNML. La commande est claire : redynamiser cette instance de dialogue et de réflexion stratégique pour les politiques relatives à la mer et aux littoraux. Nous nous y employons. Il faut, là aussi, une sacrée dose de conviction. Mais la conviction ne suffisant pas, des moyens devront rapidement arriver. Le CNML s’auto-saisit et répond également aux sollicitations de la Ministre de la mer. Nos travaux les plus récents ont porté sur :
- La pêche de loisir;
- Les cétacés;
- Le financement de l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique;
- Et l’Europe, dans le cadre de la Présidence Française de l’Union Européenne.
Le CNML est amené à donner des avis, notamment sur les Documents Stratégique de Façade, la Stratégie Nationale Mer et Littoral, et sur la Stratégie Nationale pour la Biodiversité. Sur ces sujets, j’ai eu à plusieurs reprises l’opportunité de faire partager à Annick Girardin un sentiment forgé au fil de mes rencontres et de mes échanges sur les territoires. Loin de moi l’idée de sous-estimer les documents stratégiques de planification. Ils sont indispensables pour construire une vision dans le temps long avec une dimension globale. Mais, nous ne devons pas ignorer le temps court sur des problèmes locaux. Je peux vous assurer que les attentes des territoires sont fortes. De même, je pense qu’une stratégie ne devrait pas en chasser une autre sans se laisser le temps d’aller au bout de l’expérimentation et de l’évaluation. Notre pays souffre peut-être d’un déséquilibre entre réflexion et action. C’est très précisément ce que je pense.
J’ai, en cours de mandat, à la demande de son Président Olivier Serva, accepté de rejoindre la Délégation aux Outre-mer. Pour mille bonnes raisons nos territoires ultra-marins sont au cœur des enjeux maritimes. Il nous faudrait une séance entière pour en parler. Je veux simplement manifester devant vous mon soutien aux réflexions que je partage avec mon collègue et ami le sénateur Teva Rohfritsch. Particulièrement vulnérables du fait de leur caractère insulaire ou océanique, les territoires ultramarins seront les premiers confrontés à l’impact du réchauffement climatique et à la dégradation de la biodiversité. Aussi, les problématiques maritimes ultramarines doivent susciter un mouvement de cohésion encore plus fort de notre communauté au-delà des mers et des océans qui nous séparent. Aussi, faut-il poursuivre et intensifier nos échanges sur tous nos bouts de France, en Outre-mer comme en bord de terre. Ce travail inlassablement remis à l’ouvrage contribuerait à n’en point douter, à l’éveil, ou plutôt au réveil, d’une nouvelle conscience maritime française.
A ce stade de notre rencontre de ce soir, arrive naturellement, ce que j’appelle de mes voeux, la complicité, l’union sacrée, entre l’économie et l’écologie. Les acteurs privés et publics de l’économie de la mer l’ont bien compris et l’ont tous intégré dans leur stratégie de développement. C’est ainsi que du plus grand des armateurs à la plus petite start-up le mot d’ordre est le même : verdir l’économie bleue. Les filières économiques de la mer, fortes de leurs organisations professionnelles et des partenaires sociaux, les corps intermédiaires, les associations et les ONG indispensables lanceurs d’alerte de la protection de l’environnement marin, les scientifiques engages et les enseignants, veulent, ensemble, contribuer à la réussite du développement durable de l’économie bleue. Je ne veux surtout pas oublier d’associer les régions et les collectivités locales, qui sont prêtes à coconstruire et relever ce défi dans toutes ses composantes, sur tous les territoires de l’Hexagone et de l’Outre-mer. Vous comprendrez que j’ai pris, bien volontiers, ce cap. A mon niveau et à titre d’exemple, les projets de lois de finances successifs m’ont permis d’insérer des dispositifs fiscaux favorables à la décarbonation du transport maritime.
Qu’il s’agisse du suramortissement des navires qui s’équipent de motorisation au GNL.
Qu’il s’agisse du soutien au transport vélique.
Qu’il s’agisse encore de l’installation des bornes électriques à quai dans les Grands ports maritimes.
Par ailleurs, Bruno le Maire, notre ministre de l’économie, des finances et de la relance a fléché dans le Plan de relance les aides vers le verdissement, notamment, des ports maritimes et des ports de plaisance. De même, la loi Climat & Résilience a été un véhicule législatif pertinent pour aider les communes littorales à s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique. Il nous reste à trouver le financement pour les projets de protection, de renaturation, ou de relocalisation.
Je m’emploie à le faire dans une Proposition de loi que j’ai déposée ce matin même sur le bureau de l’Assemblée nationale. Je souhaite créer un Fonds Erosion Côtière, faisant appel à la solidarité nationale. Sur toutes les façades maritimes de l’hexagone et des Outre-mer l’érosion du littoral s’accélère. Le niveau de la mer monte et concomitamment le trait de côte recule. Le climat, en se réchauffant, multiplie les épisodes tempétueux toujours plus violents qui frappent les littoraux. Récemment, l’actualité a fait état de situations alarmantes sur les côtes sableuses, dans les Landes et en Gironde et sur les côtes rocheuses au Pays Basque et en Seine-Maritime. Ce phénomène naturel provoque l’inquiétude légitime des maires des communes concernées et de leur population. Les dernières prévisions du CEREMA, en charge du suivi de l’indicateur national de l’érosion côtière, annoncent que 50 000 habitations sont potentiellement menacées à l’échéance 2100 pour une valeur immobilière estimée à 8 milliards d’euros. Les bâtiments à vocation commerciale et industrielle, les infrastructures et les équipements collectifs ne sont pas intégrés dans l’étude du CEREMA. Plusieurs initiatives législatives ont échoué, avant que la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, crée des outils visant à adapter les territoires littoraux au recul du trait de côte. En effet, les articles 236 à 251, du chapitre V, du titre V de la loi précitée permettent d’adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique. De plus, conformément à l’article 248, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, toute mesure complétant utilement divers dispositifs de maîtrise foncière définissant notamment les modalités d’évaluation des biens exposés et les modalités de calcul des indemnités d’expropriation. Aujourd’hui, l’établissement de la liste des communes repérées par les services de l’État pour cartographier leur littoral a créé un climat de défiance. La raison est identifiée : l’absence de visibilité sur le financement des projets de protection et d’adaptation des communes littorales exposées à l’érosion côtière. Ces communes font savoir qu’elles ne disposent pas de moyens suffisants pour financer leurs projets. En effet, les dispositifs mis à leur disposition ne pourront pas s’appliquer sans un financement pérenne faisant appel à la solidarité nationale. C’est pourquoi, ma proposition de loi vise à créer un fonds permettant de financer les dispositifs d’aménagement adaptés aux communes concernées par le recul du trait de côte. N’oublions pas l’existence de ce lien fort entre la mer et ses littoraux. Le trait de côte, frontière fragile entre la terre et la mer.
Je souhaite revenir sur le Colloque national sur l’emploi maritime, je vous en ai dit deux mots il y a quelques instants. Nous avons beaucoup appris sur la volonté de résilience de la communauté maritime qui a été meurtrie par la pandémie. La COVID l’a mise brutalement à l’épreuve. Les Mériens ont souffert dans leur chair. Le transport maritime, les activités portuaires, la construction navale, le nautisme, la plaisance, la pêche, l’aquaculture, les énergies marines renouvelables, ont été soumis à la violence de la même tempête. Nous avons réappris que les ports et le transport par la mer étaient des acteurs majeurs et stratégiques pour notre pays. De son côté, le transport des passagers et les croisiéristes savent désormais qu’ils doivent s’intégrer dans de nouveaux modèles plus vertueux. Conscients que la crise sanitaire a précédé une crise économique et sociale d’une ampleur colossale, le gouvernement n’a pas hésité à mettre en œuvre, pour les entreprises et leurs salariés, des dispositifs de sauvegarde puis de relance exceptionnels. Je n’ai pas hésité à les voter.
Il n’y avait pas d’autres choix.
Il n’y avait pas de meilleur choix.
Le colloque national sur l’emploi maritime a été un signal fort de la mobilisation de la communauté des gens de mer. Il a permis de rappeler que l’économie de la mer représente une centaine de métiers différents et près de 400 000 emplois. Il a permis de fixer l’objectif d’une création massive d’emplois grâce à la transformation des filières et des métiers vers un modèle économique durable. Nous savons que cette ambition passe en priorité par la résolution des défis posés par le recrutement et par la formation initiale et continue des femmes et des hommes. Les métiers de la mer, traditionnels et nouveaux dans chaque filière, portent l’espoir et la responsabilité de bâtir une économie maritime compétitive, souveraine et solidaire. Ce colloque national sur l’emploi maritime a été la formidable occasion de faire progresser le dialogue social et de valoriser l’éco- système social. Il a été aussi une formidable occasion d’être à l’écoute de nos territoires de l’hexagone et des Outre-mer et de découvrir de nouveaux métiers qui s’inscrivent dans une démarche écoresponsable. Il a montré, ce qui n’est pas rien, que les femmes ont toute leur place dans les métiers de la mer. Il n’est pas possible qu’elles continuent de rester à quai. En qualité de secrétaire à la Délégation aux droits des femmes, je soutiens, autant et aussi souvent qu’il m’est permis, la conquête des océans par les femmes. Nous avons, toutes et tous, en tête cette image d’Épinal de la femme attendant le retour de son mari pêcheur sur le quai. Cette image fait partie de notre récit national. Loin de moi l’idée de l’effacer de notre histoire collective. Elle est le reflet de notre société à une époque donnée. Heureusement, les temps changent et abolissent peu à peu les stéréotypes. Aussi, j’œuvre pour que nous ouvrions ensemble une autre voie. Celle de l’égalité, celle des métiers ouverts à toutes, celle de l’ambition des femmes. Qu’elles soient navigatrices, océanographes, ostréicultrices ou capitaines de frégate elles sont exemplaires. C’est pourquoi, je suis fière, devant vous ce soir, de porter ce message adressé, d’abord, aux jeunes filles de notre pays : soyez volontaires et partez à la conquête des océans. Pour que le XXIème siècle soit maritime nous le voyons bien, nous avons besoin de toutes les forces vives. C’est pour cela que ces forces doivent être mobilisées pour permettre aux jeunes, femmes et hommes, qui sont à la recherche de leur projet professionnel de regarder du côté de la mer.
Je souhaite revenir rapidement sur la première mission du député. A savoir examiner, amender et le cas échéant voter la loi. Vous le savez l’examen du projet de loi de finances, chaque année, occupe une part importante du travail parlementaire. Les aspects financiers, tant en recette qu’en dépense, conditionnent les politiques publiques encadrées par une multitudes de programmes intégrés eux même dans chaque budget ministériel. Pour avoir été rapporteure pour avis du programme 205 affaires maritimes, je peux vous assurer que les marges de manœuvre sont limitées. Aussi, le parlementaire, à la fin de cette exercice, est au mieux frustré au pire découragé. Il lui reste, pour affirmer sa volonté le recours à l’amendement. Une quantité incroyable d’amendements sont déposés, passés par le filtre de la recevabilité et de l’examen en commission, la plus redoutée étant celle des finances, beaucoup moins d’amendements sont défendus en séance et infiniment peu sont adoptés. J’ai pu, au jeu des influences, passer sur cette mandature une dizaine d’amendements. Je veux émettre un regret qui pénalise à mon sens la cause maritime. Les élus en général et les parlementaires en particulier restent trop souvent attachés à une discipline de groupe qui empêche des avancées trans-partisanes. Il doit être possible de construire des projets qui dépassent les postures politiques. C’est très sincèrement ce que je crois.
En conclusion, je souhaite vous faire partager une expérience récente de ce début d’année. J’ai eu l’occasion de soutenir, pour le groupe majoritaire, à la tribune de l’Assemblée nationale la Résolution pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan. Événement rare, cette proposition de résolution, portée par Maina Sage, Députée de la Polynésie française et Jimmy Pahun, Député du Morbihan, a été adoptée par l’ensemble des groupes parlementaires. Faut-il y voir le signe d’un intérêt majeur des parlementaires pour la protection de l’océan ? Je crois que nous sommes tous convaincus que la période que nous traversons plébiscite l’alliance de l’économie et de l’écologie au service du développement durable et de la protection de la biodiversité océanique. En filigrane, il s’agit d’affirmer que nous ne devons pas reproduire en mer les erreurs commises sur terre. La surface de notre planète, peu de terriens en ont vraiment conscience, est recouverte des deux tiers par l’Océan. Cet élément liquide, présent aux quatre coins du globe, serait doté miraculeusement et ad vitam aeternam de ressources inépuisables et préservé des entreprises humaines. Cette croyance est bien évidemment fausse. Aujourd’hui, l’Océan est en grande souffrance atteint par toutes les formes de pollution terrestres et marines, par les effets du réchauffement climatique et par la surexploitation de ses ressources. La biodiversité, le vivant océanique, sont sévèrement menacés. 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens, 30 % des stocks de poissons et plus d’un tiers de tous les mammifères marins, sont en situation de grave danger immédiat. Pourtant, nous devrions savoir que l’Océan est à la base des phénomènes mondiaux qui rendent notre planète habitable pour l’humanité. L’eau de pluie, l’eau potable, les conditions météorologiques, le climat, les côtes, une grande partie de nos aliments et même l’oxygène de l’air que nous respirons, tous sont fournis et régulés par les océans. Le constat est sans appel. Il existe un espace sans juridiction, au-delà des eaux territoriales, où l’absence de contrainte est la règle et la coopération l’exception. Il s’agit de la haute mer soumise à toutes les convoitises en raison des bénéfices espérés de l’exploitation immodérée de ses ressources. Seule, une mobilisation politique forte, au plus haut niveau, est attendue afin d’aboutir à un Traité Océan en 2022. La prochaine session de la Conférence intergouvernementale, sous l’égide des Nations Unies, aura lieu du 7 au 18 mars 2022. Elle doit fixer un cadre juridique international portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale dite « BBNJ ». Au préalable, le « One Ocean Summit » qui débute demain à Brest, à l’initiative du Président de la République, préparera le terrain pour permettre un rassemblement au plus haut niveau autour d’une déclaration politique. Cette étape doit enclencher une nouvelle approche de nos relations vitales avec l’Océan. Il nous revient, il revient à la France, de le consacrer bien commun de l’humanité. Notre responsabilité est grande en tant que premier domaine maritime mondial, à égalité avec les États Unis, fort de nos 11 millions de kilomètres carrés de Zone Économique Exclusive, dont 97 % en outre-mer. Nous avons la légitimité économique, écologique et politique pour mener ce formidable défi : sauver l’Océan !
Mes derniers mots, pour terminer mon témoignage, vont vers une initiative destinée à nos concitoyens qui tournent trop souvent le dos à la mer. Je sais que l’envie de mer ne se décrète pas, pas plus que la culture maritime. C’est pourquoi, j’ai souhaité sensibiliser le grand public aux enjeux de la mer et des littoraux, en créant la Fête de la Mer et des Littoraux. Chaque année depuis 2018, j’invite pendant 4 jours, début juillet, les françaises et les français de l’hexagone et des Outre-mer à participer à des événements pédagogiques, culturels et sportifs dans le cadre de la Fête de la mer et des Littoraux. Cette année du 7 au 10 juillet, 1000 et un événements seront proposés. La Fête de la Mer et des Littoraux est placée sous le haut patronage de Richard Ferrand, Président de l’Assemblée nationale. Elle s’appuie sur un Comité de pilotage composé du Ministère de la Mer, du Ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports, du Ministère de la Transition écologique, du Ministère des Outre-mer, du Secrétariat général de la mer et de la Marine nationale. J’ai souhaité que les élus locaux soient pleinement associés. C’est pourquoi nous y retrouvons l’Association Nationale des Élus des Territoires Touristiques, l’ Association Nationale des élus du Littoral, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’Assemblée des Départements de France et l’association des Régions de France. Le Cluster Maritime Français, la SNSM, l’ UMIH, le Comité national de la conchyliculture et les fédérations de sports sont également présents. Les événements, conçus pour sensibiliser le public aux enjeux de la mer et des littoraux, sont regroupés en 3 grands thèmes : découvrir, partager et protéger. Il est notamment question de biodiversité marine, de sports nautiques, de plages propres, des métiers de l’économie bleue et toujours du sauvetage en mer. Le partenariat presse avec France bleu et France 3 est renouvelé cette année pour une belle couverture des évènements sur l’hexagone et les territoires ultra marins.
Je tiens à vous faire partager un hommage à un homme a priori ordinaire et pourtant tellement exemplaire. L’homme qui voulait à 75 ans devenir le doyen de la traversée de l’Atlantique à la rame. Jean-Jacques Savin, natif de la commune d’Arés sur le Bassin d’Arcachon, a été porté disparu en mer le 22 janvier 2022. Après avoir en 2019 passé plus de 4 mois dans un tonneau, il avait rallier les Antilles poussé par les vents et les courants. Cette fois le défi était de traverser l’Atlantique à la rame à bord de l’Audacieux, un canot de quelques mètre de long. Dans son dernier message à sa fille il écrivait : « la forte houle et la force du vent me coutent de l’énergie physique. Mais, rassurez-vous, je ne suis pas en danger et je ne baisse absolument pas les bras ». Sommes-nous en capacité de comprendre cette incroyable attraction de la mer sur l’homme au péril de la vie. Nous devons simplement accepter que la mer sera toujours plus forte que nous.
J’arrive au terme de mes propos. Je ne veux pas être plus longue, pour laisser du temps à vos commentaires, remarques et questions. Je ne suis pas certaine d’avoir réponse à tout. Mais l’essentiel est que nous partagions la même route en pensant que c’est par la mer que nous aurons à inventer notre sécurité, notre alimentation, nos recherches mais aussi les équilibres de notre planète. Posons-nous la question cher Christian, posons-nous votre question : « Et si nous nous tournions enfin vers la mer qui contient la quasi-totlité des solutions pour un avenir désirable ? » Permettez-moi de rajouter que le plus tôt sera le mieux. Nous sommes portés par des vents favorables. Alors, à nous de prendre le bon cap.
Merci de votre attention.